13 Nov Djibouti : Lac Abbe
Vous est-il déjà arrivé d'être assis chez vous et de sentir qu'un lieu particulier, comme un doux chant de sirène, vous appelle irrésistiblement à tout quitter et à vous y rendre pour y chercher votre bonheur ?
Eh bien, c'est souvent le cas. Le problème, c'est que pour faire taire ces voix, je décide de les suivre. C'est alors que je dépoussière mes embarcations de canyoning, de traversée de rivières, d'escalade de volcans, de traversée de déserts... et que je les prépare pour une nouvelle épreuve.
Parfois, je me dis qu'un jour, ils refuseront de faire un pas de plus.
Chevauchant mes chaussures nautiques, je me sens comme Rimbaud, dont Verlaine disait que ses chaussures avaient des semelles de vent. Je vous ai déjà parlé de Rimbaud, ce poète maudit qui un jour décida qu'il voulait être un aventurier, quitta tout et partit pour l'Afrique. Il a atterri près d'ici, dans la baie de Tadjoura, où il est resté vivre pour explorer la région, en suivant ces voix qu'il était le seul à entendre. Un autre qui allait mal...
Mes voix me guidaient cette fois vers le lac de l'Abbé, mais j'avoue que je roulais depuis des heures sur une piste très dure, j'avais traversé les déserts du Gran et du petit Bara, et je ne comprenais toujours pas ce qui m'avait amené là, car il n'y avait rien, rien du tout...
Jusqu'à ce que je voie ceci...
Ce que j'avais sous les yeux valait bien tout ce que j'avais enduré pour y arriver. Il me semblait que j'avais enfin trouvé la porte de ce grand monde des choses dont je rêve.
Et l'endroit est incroyable. Le spectacle vous paralyse, vous remplit, vous émeut. On a envie de s'arrêter pour le contempler et en même temps on a envie de le parcourir. Vous êtes heureux que l'endroit soit si éloigné, dur et inconnu qu'il n'est que pour vous... mais en même temps vous voulez le partager (je viens de relire la phrase et il se pourrait ou pourrait sembler que je sois pétrolé, je la laisse mais si je reçois une autre phrase similaire, j'irai aux urgences pour la faire vérifier).
Le paysage était incroyable, il y avait un désert, blanc, et un volcan, et un lac bleu, et des centaines de cheminées fumantes, et des caravanes de chameaux et des milliers de flamants roses dans le lac, et des autruches, des hyènes, des phacochères, des gazelles ....
J'ai passé des heures à me promener dans le quartier et à me perdre dans le labyrinthe des cheminées. Puis je me suis souvenu que le film La Planète des singes avait été tourné ici. J'avoue que comme je ne savais pas si le film était basé sur des faits réels, mes craintes de tomber entre les mains du redoutable Urko augmentaient avec l'obscurité. Les cheminées commençaient à prendre des formes fantomatiques et nous avons cherché un endroit où passer la nuit.
Je n'étais pas seul, j'étais accompagné de Jacob, un guide afar qui était monté à Dikhil pour me guider dans ces labyrinthes. Les Afars sont un peuple maussade et dur, à l'image de la terre qu'ils habitent. Ils étaient redoutés pour leur habitude d'utiliser le gile, un couteau à jambon semblable à l'iambic yéménite, pour couper les testicules de leurs ennemis et les accrocher à leur cou comme ornements (ce qui ne m'a pas laissé très calme, j'ai donc décidé de ne jamais le prendre à partie et, à la rigueur, de le taquiner un peu).
Au coin du feu, nous parlons de la vie, mâchons du qat et buvons du gin tonic, si bien qu'il ne nous faut pas longtemps pour nous laisser emporter par les chants régionaux.
Jacob m'a appris une vieille chanson de la légion etrangere adaptée au désert :
Elle decend de Lac Abbe on dromadaire Au gaza gouzi gouzi aree aree Au gaza gouzi gouzou aree aree aree (cette partie est en transcription libre)
Ces chants m'ont ramené à d'autres temps, avec la Légion étrangère en République centrafricaine...
Et la chaleur intense, jusqu'à ces nuits dans le Palais d'Udey Husseim, à Bagdad (un jour je vous dirai que j'y étais...), quelle époque...
Le qat m'a endormi jusqu'à ce que les chants s'éteignent dans ma tête. Au bout d'un moment, je n'entendais plus que le crépitement du feu et les rires des hyènes qui rôdaient autour de moi. Je me demanderai toujours si elles riaient de leurs propres affaires ou si elles se moquaient de la qualité de nos chants.
J'ai dormi avec un œil ouvert et la première chose que j'ai faite à l'aube a été de vérifier avec soulagement que Jacob n'avait pas de nouveaux ornements de cou.
Après un petit dejeneur (au sens le plus littéral du terme), nous sommes allés au lac pour voir les flamants roses et nous promener une dernière fois dans la région avant de prendre le chemin du retour.
En exagérant, j'aimerais dire que Jesuscalleja, le risque était extrême car des fontaines d'eau à 90 degrés émergeaient constamment à nos pieds (ce qui est assez chaud, pas aussi chaud que le thé que l'on me sert à mon travail, mais presque).
S'il tombait dans l'un de ces pièges mortels à eau bouillante, avec la poudre qu'il transportait et l'huile de la crème solaire, il pourrait être transformé en croquettes de poulet en quelques secondes.
Et maintenant, je vais mettre fin à l'histoire, parce que je deviens trop long. J'ai eu beaucoup de mal à partir. Les départs m'affectent toujours et j'ai besoin de compagnie. J'ai commencé par prendre une vieille femme avec un bébé, puis deux autres, puis un couple... à la fin, j'avais la voiture plus chargée qu'un matatu. Je suis allée de village en village, Aselà, Kouta Bouyya, Dikhil... Cela ne changera pas leur vie, mais au moins ils dormiront moins fatigués ce jour-là.
Je suis parti avec un énorme regret, mais comme à Desertando nous avons une route incroyable à travers les déserts d'Éthiopie et de Djibouti, je ne suis pas inquiet car je sais que très bientôt je reviendrai, avec vous si vous êtes prêts à le faire.
Et ces voix sont de retour...
Et enfin, je vais vous montrer une photo d'une petite fille pour que vous puissiez voir que je suis une personne extrêmement sensible...
Yolanda Orozco
Publié à l'adresse suivante 11:48h, 13 novembreCette fois, je trouve la destination un peu trop sèche à mon goût. Je ne pense pas que je me serais inscrite...
Mais j'envie toujours ton esprit d'aventure, ne le perds pas, tu peux le faire !
undiaenlavidadecuchara
Publié à l'adresse suivante 17:14h, 13 novembreYolanda, je suis sûr que cela te plairait, mais au cas où, je te montrerai d'autres endroits. Continue à lire les entrées. Bisous
Paulino Muñoz turmo
Publié à l'adresse suivante 17:51h, 13 novembreMon ami, continuez à entendre des voix et racontez-nous d'autres histoires. Un câlin
undiaenlavidadecuchara
Publié à l'adresse suivante 17:56h, 13 novembreMerci beaucoup pour vos encouragements Paulino. Je continuerai à vous le dire...
Titi
Publié à l'adresse suivante 21:21h, 13 novembreCe n'est pas la saison des pluies ?
Anonyme
Publié à l'adresse suivante 00:00h, 14 novembrePour une quinzième entrée, ce n'était pas mal du tout.
Mario
Publié à l'adresse suivante 11:33h, 16 novembreQuel paysage extraordinaire Carlos, quelle envie.
Une accolade
PS Avez-vous pensé à changer vos chaussures nautiques (chics 😉 ) pour une bonne paire de chaussures de randonnée ?
undiaenlavidadecuchara
Publié à l'adresse suivante 21:26h, 16 novembreBonjour Mario
Organisons une fois pour toutes ce voyage qui n'a que trop tardé.
Il n'y a rien de tel que les chaussures nautiques Mario, elles sont adaptées à tout...
Jose Costa
Publié à l'adresse suivante 20:59h, 17 novembreDes paysages spectaculaires ! J'adore les zones arides, un câlin, viendras-tu à BCN ?
undiaenlavidadecuchara
Publié à l'adresse suivante 21:11h, 17 novembreBien sûr, le 28, je dois aller régler l'itinéraire et ensuite nous partons en shi...
Teresa
Publié à l'adresse suivante 12:01h, 24 novembreBonjour Carlos ! !!! Je suis partant, bien sûr ! Superbe paysage avec ces cheminées, l'eau et les flamants roses au milieu de nulle part. Il est certain que ce paysage est très poétique de par sa dureté, alors encore une fois ton texte et la référence à Rimbaud me donne l'impression d'en avoir parfaitement capturé l'essence ;-). Ce voyage avec l'Éthiopie est un vrai bonheur. Bon, on verra bien quand on se reverra, maintenant que la neige arrive ici. Un bisou
pilier
Publié à l'adresse suivante 22:41h, 12 décembreJe me réjouis de vos aventures. Je vous prie d'agréer, Madame, Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées.
undiaenlavidadecuchara
Publié à l'adresse suivante 22:51h, 13 décembrePilar, quelle joie de t'entendre. Tes commentaires m'ont manqué. Je t'embrasse et te dis à bientôt.
javier
Publié à l'adresse suivante 10:50h, 28 févriertrès intéressant votre article sur l'excursion sur le lac Abbe, je n'ai reçu votre article qu'aujourd'hui, cela doit être dû au fait que j'habite dans un étage élevé et que parfois l'internet est paresseux à se mettre en place.
Je commence à m'inquiéter de votre identification à Rimbaud, dont Verlaine disait aussi que l'huile qu'il avait perdue était un mélange de glamour et d'aventure.
undiaenlavidadecuchara
Publié à l'adresse suivante 11:10h, 13 marsBonjour Tio, je ne suis intéressé que par l'aventure africaine de Rimbaud. Il est possible que ma façon d'écrire puisse rendre compte de ma grande sensibilité, de ma profondeur et de ma poésie, et même voir cette hormone folle qui se shoote parfois, mais en matière de sexe je reste très classique, je n'aime que les femmes, (et pas mal d'ailleurs).
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Publié à l'adresse suivante 23:11h, 09 mars[Crédit photo [...]
undiaenlavidadecuchara
Publié à l'adresse suivante 13:59h, 10 marsJe suis heureux que vous ayez aimé mes photos du lac Abbe. Vous pouvez mettre dans les crédits mon nom Carlos Conde et le lien vers mon site web si cela ne vous dérange pas.
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Publié à l'adresse suivante 15:16h, 14 mai[Crédit photo [...]