05 Sep Le Southern Post
Cette fois, je vais vous emmener sur une route qui a toujours occupé une place particulière sur ma liste de souhaits. Une route ouverte par une poignée de rêveurs comme Saint Exupéry, Jean Mermoz ou Guillaumet, pilotes de la ligne de l'Aéropostale, qui ont risqué leur vie tant de fois face à la nuit, à la mer ou à un Sahara insoumis, pour acheminer coûte que coûte le courrier entre Dakar et Paris. Hommes d'action et amoureux de la littérature, l'aventure et la poésie font souvent bon ménage.
Cette route était conçue pour être parcourue en moins d'une journée, avec des relais aux escales sur des aérodromes solitaires : Casablanca, Agadir, Cap Juby, Port Etienne, St Louis et enfin Dakar. Une route de vent, de sable et d'étoiles, selon les mots d'Exupery, à laquelle je me sens totalement attaché, moi qui n'ai pas besoin de beaucoup plus et qui ne trouve pas mieux.
Chaque kilomètre accélère mon cœur, me faisant sentir la victoire de mon esprit libre sur l'esclavage du bureau. Et contrairement à eux, mon avion tombe généralement en panne et je dois faire le trajet par voie terrestre..... J'en savoure chaque seconde, du charme colonial de St Louis au silence des dunes de l'Azefal en passant par l'agitation du marché aux chameaux de Guelmin. C'est une véritable route des sens et à ce titre, je me laisse entraîner par tous, sauf le bon sens (le moins commun de tous mes sens), car c'est ce que demande l'aventure......
Je ne peux qu'imaginer les sentiments qui traversaient le cœur de ces pilotes chaque fois qu'ils quittaient Dakar, survolant à basse altitude la plage interminable menant à St Louis, tout en observant l'arrivée des pêcheurs dans les villages de Kayar et de Potou. Ou survolant les petites forêts de baobabs, les dunes solitaires de Lompoul (y passer une nuit... !!!!) et les marais de la Langue de Barbarie où des milliers de pélicans s'arrêtent pour se reposer du long voyage.
Le faire en voiture, le long de la plage jusqu'à ce que la marée le permette, vous donne une autre perspective qui réserve aussi des surprises cachées, comme quelques bières simples dans un bar de plage au nom peu mémorable ?
Puis vient St L ouis, l'étape finale de la première journée. Entrer dans l'île en traversant le Sénégal, c'est entrer dans un autre rêve, où ces lieux lointains inventés par Hérodote deviennent réalité. Laissez-vous hypnotiser par le bruit des vagues qui viennent frapper la digue de l'île extérieure ou par le spectacle des centaines de pyrogues entassées dans le quartier de Guet N'Dar. Promenez-vous tranquillement dans le quartier colonial ou donnez le meilleur de vous-même dans les pires bars clandestins fréquentés par les Mermoz. Et si vous aimez le jazz, ce qui est le cas de certains, c'est ici que ça se passe.
Pour atteindre l'étape suivante, Port Etienne, aujourd'hui Nouadhibou, le mieux est d'élaborer un plan farfelu et de le compliquer au fur et à mesure, mais ce plan doit au moins passer par les oasis d'Ametlich, puis atteindre les plages du Banc d'Arguin où viennent mourir les dunes molles de l'Achkar. Sinon, ce n'est pas un bon plan.
J'aime beaucoup le Banc d'Arguin, même s'il ne se montre pas toujours sous son jour le plus sympathique. Il faut y aller de jour, car les routes sont presque invisibles et il y a un village, Arkeiss, qui aime se cacher la nuit et qui est difficile à trouver. Il abrite les Imraguen, des pêcheurs qui ont toujours entretenu une alliance de pêche avec les dauphins. Il y a aussi des milliers d'oiseaux qui s'arrêtent en route vers les terres froides du nord, d'immenses colonies de crabes et même les restes d'une baleine qui s'est transformée en désert.
La fin de cette étape à Port Etienne ne laisse pas non plus indifférent, les falaises du Cap Blanc, les rues étroites du marché coloré, notre ville de La Guera, et depuis des années mon endroit préféré, le cimetière des bateaux échoués sur la plage. Sans oublier de déguster une baila dans le centre de pêche, qu'il faut parfois compléter par un régime de fuet.
La prochaine et dernière étape avant Casablanca était le cap Juby, l'un des avant-postes les plus septentrionaux de notre cher Sahara espagnol, lorsque notre présence s'est réduite à un groupe de petites garnisons dispersées dans l'immensité. Villa Cisneros, Tifariti, Bir Nzaran, Bir Gandus, Smara, Mahbes, Bir Lehlu .... et, bien sûr, Edchera. C'est là, à Cap Juby, dans ce lieu de sable et silence Exupery était le régisseur d'Exupery, il volait et écrivait, ce qu'il aimait, il avait de la chance...
Après le cap Juby et avant d'atteindre Agadir, déjà au Maroc, il y eut Puerto Cansado et, plus au nord, Sidi Ifni, le cœur des parachutistes, ou l'endroit où se trouvait la mystérieuse tour de Santa Cruz de Mar Pequeña. Je souhaite toujours revisiter et rappeler les anciennes gloires de mes ancêtres à Ercunt ou dans les souks d'Arba del Mesti ou de Telata de Sbuia. J'entrerai à Telata ou dans le ciel...
Mais cette fois, mon aventure s'est terminée au Sahara, juste entre les hauteurs qui dominent la Duna Blanca et l'île du Dragon. Et là, impressionné par le paysage de l'entrée de l'estuaire de Villa Cisneros, pensant avec tristesse à ces bons moments passés, j'ai dit au revoir aux trois amis que la route m'avait donnés et je suis parti ailleurs, comme toujours, à la poursuite du vent...
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