La tentation de Janjanbureh

J'avoue avoir fait des voyages dans certains endroits simplement parce que je me sentais piégé par la sonorité de leur nom. Les prononcer m'étourdit encore, (encore plus si possible), et m'emmène en quelques secondes vers des contrées lointaines, des aventures en suspens et des amours perdues. Ils sont mon chant de sirène qui ne s'arrête jamais, et me poussent à traverser la Méditerranée encore et encore en quête d'aventure. Dans ma chère Libye, on appelle cette mer le Baḩr al Abyaḑ al Mutawassiţ "cette mer blanche entre les deux" et ils n'ont pas tort, car elle sépare mes deux mondes, parfois si éloignés, ceux de la raison et du cœur.

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Mombasa, Tombouctou, Kisangani, Lubumbashi ou Kani Kombolé sont quelques-uns de mes noms préférés, vers lesquels la route me conduit peu à peu. Je suis conscient que cela peut sembler une excuse, mais voyons qui peut résister à une tentation comme celle qui, il y a quelques mois, m'a poussé vers l'intérieur de la Gambie, séduit sans possibilité de fuite par l'exotisme d'un lieu qui promettait l'aventure : l'île lointaine de Janjanbureh (prononcer Yanyanbureh, qui avec un J ne produit pas les mêmes effets de tentation).

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Une île qui, par le passé, a également attiré les esclaves affranchis, les explorateurs et les aventuriers. Elle représentait également la limite du monde connu, au-delà de laquelle se trouvaient la mort ou la gloire, voire les deux, qui se rejoignaient presque toujours. En d'autres termes, une tentation puissante.

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C'est là que j'ai découvert, au bord de la rivière, un lieu encore tel qu'il était à l'époque, enveloppé d'un halo d'aventure et de romantisme. Ce n'était qu'une vieille jetée menant à un jardin luxuriant poussant au pied d'un grand fromager et de plusieurs arbres flamboyants d'un rouge flamboyant, un hamac tentant et plusieurs huttes aménagées en lodge isolé. Un lieu de séjour. L'endroit avait été envahi par des dizaines de singes amicaux, personne d'autre (amicaux jusqu'à ce qu'ils viennent chercher votre nourriture, et alors tout devient une lutte pour la survie ....).

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J'ai atteint cet endroit par la rivière, sur les traces de Mungo Park, qui, il y a plus de 200 ans, a remonté la rivière à la poursuite de son rêve de trouver Tombouctou, la perle la mieux cachée du désert. Cela lui a coûté la vie, car il y a toujours eu un certain danger à rêver. Comme lui, et comme tant d'autres explorateurs qui l'ont suivi, j'ai embarqué dans le grand estuaire de Banjul, prêt à suivre le cours du fleuve jusqu'à l'autre bout du pays.

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J'ai rapidement rencontré la première grande surprise de la route, la forêt sacrée de Makasutu. Caché parmi les arbres et les mangroves, il y a un endroit que les singes et les crocodiles refusent de quitter. Ce doit être le Paradis, mais aussi le Purgatoire, car on y est tenté par divers péchés capitaux, et je ne parle pas de l'envie, que j'ai ressentie en voyant l'endroit.

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Si vous parvenez à en sortir, en continuant à travers la mangrove, vous découvrirez d'autres lieux incontournables comme Sita Joyeh, une petite île habitée par de gigantesques baobabs centenaires, puis une forêt d'arbres fantômes, puis un village djola, perdu dans une palmeraie..... La surprise est au rendez-vous, et ce n'est qu'au bord du fleuve que les meilleurs secrets de la Gambie se dévoilent.

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Plus loin, la zone humide de Bao Bolong, en face du camp de Tendaba, est l'un des meilleurs endroits au monde pour observer les oiseaux. J'y ai vu des hérons pourpres, des cormorans, des pélicans, des pluviers, des jacanas... et même un turaco coloré, même si je dois avouer que l'observation des oiseaux me procure le même tourbillon de sensations que celle d'une partie de pétanque. Ce que j'aime, c'est le paysage, et ici, tout est spectaculaire.

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Voyager le long de la Gambie est un bon moyen de connaître les différentes cultures qui se sont installées le long du fleuve, les Mandingues sur la rive nord, les Diolas et les Peuls au sud. Séparés par le fleuve et reliés par plusieurs ferries, il n'y a pas de pont. Prenez-en un et mettez pied à terre dans un village riverain de part et d'autre du fleuve, appréciez le contact avec la population, qui n'est pas pour rien le pays du sourire facile. Se perdre parmi les baobabs et les palmiers sur des chemins de terre ocre, constamment parcourus par des femmes enveloppées dans des tissus aux couleurs vives et à la démarche de girafe.

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Le matin, nous profitions des heures les moins chaudes pour descendre acheter des provisions (plus de bières) et l'après-midi, nous profitions des heures les plus chaudes pour les boire. Un bon plan. Au coucher du soleil, nous cherchions un endroit pour profiter du coucher du soleil et nous arrêtions nos moteurs. La rivière était alors calme. Depuis le pont, nous pouvions voir passer des groupes de hérons blancs, sans bruit, le silence régnait, interrompu seulement par le grognement d'un hippopotame émergeant de l'eau. Comme ils me rappelaient ces couchers de soleil sur la rivière Rufiji, ou le long du Niger et du Chari. Et puis, à la tombée de la nuit, les forêts qui bordent les rives s'animent et des milliers de bruits, tous inquiétants, emplissent la nuit. Ces moments se savourent avec un gin tonic et en bonne compagnie. Cela fait partie de la vie.

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Il ne faut pas longtemps pour atteindre l'île, en trois jours il est possible de l'atteindre, sans précipitation, après quoi les anticonformistes seront poussés à continuer vers Basse, à franchir la frontière avec le Sénégal et à poursuivre le long du fleuve jusqu'au parc du Niokolo-Koba, un nom assez alléchant d'ailleurs. L'aventure nécessite d'aller encore plus loin et de continuer à longer la Gambie jusqu'à sa source dans les montagnes du Futa Djalon, et une fois sur place, nous réfléchirons à la manière de revenir.

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Mais cette fois-ci, l'aventure s'est terminée pour moi sur cette jetée de l'île de Janjanbureh, dommage, mais ce n'était pas un mauvais plan de se sentir pour une fois comme Marlow pour le Congo, capitaine de ma propre aventure, à bord du Jam Ono, "Forever Young", un navire déglingué qui est déterminé à continuer à faire ce qu'il aime et qui refuse d'accepter qu'il a déjà quelques maux. Comme moi, des âmes sœurs destinées à se rencontrer...

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Désertion
setielena@gmail.com
7 Commentaires
  • jose costa collell
    Publié à l'adresse suivante 17:21h, 21 décembre Répondre

    Une saine envie, comme toujours, un câlin et de bonnes fêtes de fin d'année.

    • undiaenlavidadecuchara
      Publié à l'adresse suivante 17:14h, 22 décembre Répondre

      Tu me connais, j'essaie toujours de te tenter. N'oublie pas que nous avons un voyage en cours. Un gros câlin et de bonnes vacances

  • Nuria
    Publié à l'adresse suivante 07:02h, 06 janvier Répondre

    Mais quelles belles photos ! Je n'avais pas eu le temps de vous lire et comme toujours vous me surprenez. Emmène moi avec toi, tu me donnes de l'envie, mais de l'envie malsaine. Un gros bisou

    • undiaenlavidadecuchara
      Publié à l'adresse suivante 15:15h, 06 janvier Répondre

      Man sis, et tes critiques, toujours constructives, m'ont manqué. J'ai vraiment envie de te ramener dans un autre coin de l'Afrique, voyons si on peut le faire bientôt. Bisous

  • Alberto Mrteh
    Publié à l'adresse suivante 11:16h, 01 février Répondre

    J'aime beaucoup les photos et le texte m'a rappelé "Le cœur des ténèbres". C'est tout ce que je peux dire.
    C'est un plaisir de vous lire.
    Alberto Mrteh (Le souk du scribe)

    • undiaenlavidadecuchara
      Publié à l'adresse suivante 20:45h, 01 février Répondre

      Merci beaucoup pour vos encouragements Alberto. Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de mes salutations distinguées.

  • Teo
    Publié à l'adresse suivante 18:31h, 22 mars Répondre

    Ma mère Carlos, vraiment, chaque mot que tu utilises est précieux et quand tu formes des phrases ou des paragraphes, ils sonnent d'une manière très spéciale, si spéciale qu'on peut dire qu'ils viennent directement, non seulement de tes expériences personnelles, mais aussi de ton cœur. Je pourrais te reconnaître comme l'auteur de n'importe quel autre texte.
    C'est votre blog et donc le sanctuaire de ces mots, mais quand même, je vous encourage à collaborer un jour, évidemment dans un blog du même niveau et du même style que Viajes al pasado de Daniel Landa, en l'occurrence un magazine numérique. J'aimerais beaucoup vous y voir, même en tant que contributeur, car sans aucun doute, vous ne seriez pas parmi les grands, vous seriez l'un d'entre eux, je n'en doute pas.
    Merci d'insister pour que nous continuions à rêver....
    Salutations mon ami...

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