Afrique : Marchés aux chameaux

Parmi les lieux qui excitent le plus mon imagination effervescente (et que je peux dévoiler ici sans rougir), il y a les marchés aux chameaux sahariens. Ils ont le pouvoir de me ramener à ces temps lointains, presque disparus, des grandes caravanes qui ouvraient le commerce entre Sijilmasa et le Royaume du Ghana et qui pouvaient rassembler plus de 30 000 chameaux ou de celles du Darb el Arbain ou route des 40 jours, qui partaient de l'oasis de Kharga vers le Soudan, et dont le lecteur malin aura deviné à présent combien de jours il fallait pour y arriver.

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Heureusement, il existe encore des caravanes comme l'Azalai qui relie les mines de sel de Taoudenni à Tombouctou, ou celles des Afars en Éthiopie et à Djibouti, du lac Assal ou du Danakil, pour que chaque fois que les romantiques qui restent dans le monde sont punis en étant attachés à une chaise de bureau, ils puissent continuer à rêver de les imiter et de jouir d'une liberté aussi infinie que l'horizon qui nous entoure, sans autre besoin que la compagnie d'un bon vin et d'un meilleur ami.

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A cheval, ou plutôt à dos de chameau, des marchés fleurissaient le long de ces routes, comme ceux de Guelmin, Agadez, Douz, Ghat, Daraw, Babile, Abéché.... où l'on venait chaque semaine du désert pour vendre ou acheter des animaux, et pour se rencontrer, s'informer des ragots de la Wilaya et pouvoir les transmettre à sa femme (selon le désir de complication de chacun). Certains subsistent encore, mais la plupart ont disparu avec le temps, engloutis par les dunes et l'oubli, comme à Siwa ou à Sijilmassa.

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Poussé par cette insatiable curiosité qui s'empare de moi, je suis allé voir si je pouvais découvrir ce qui se passait, mais comme je ne parle pas couramment les plus de 20 dialectes des Zaghawa (je n'en comprends vraiment aucun), je suis resté sur ma faim et je ne peux pas vous dire de quoi ils parlaient, mais je suis sûr que c'était super loud.....

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En dehors des caravanes de sel de Taoudenni ou de Bilma, on peut encore voir de grands groupes de chameaux traverser le Sahara, mais il s'agit probablement de troupeaux destinés à être vendus comme nourriture. Les mâles sont abattus à l'âge de 6 ou 7 ans et, dans certains pays, leur viande est un mets de choix. Les femelles sont conservées pour la reproduction ou la production de lait.

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On dit que le lait de chamelle est le plus riche en vitamines et très bénéfique pour la santé, le plus difficile est de le traire, car les amis ont un caractère... Je l'ai goûté pour la première fois au Khazastan, il y a longtemps, mais je ne l'oublie pas, pour moi il a un goût "différent", alors depuis je dois le boire avec du nesquik car sinon, ça me fait une boule.

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De tous les marchés aux chameaux que j'ai pu visiter, je choisirais sans hésiter celui d'Abéché au Tchad (encore une fois, je ne me souviens pas si je vous ai déjà dit que j'y ai vécu). Lorsque la ville était la capitale du sultanat de Ouaddai, elle est devenue un important nœud de communication sur les routes transsahariennes, et son marché a encore quelque chose qui évoque les splendeurs de cette époque (il semble plus authentique, si possible, que le marché médiéval de Las Rozas).

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Dans ce chaos apparent, tout a un ordre, et j'aime ça (pas l'ordre, je veux dire le chaos). Au même endroit et sous plusieurs couches de poussière, de saleté et de mouches, coexistent les étals de fruits avec ceux de tissus colorés ; plus au fond, il y a les espaces destinés à la prière, aux affaires, au jeu du dhaemon al Essigue, ou à la diffusion et à l'exagération des ragots ; au centre, en groupes, les chevaux, les chameaux, les ânes et les zébus, et partout, omniprésent, ce prototype révolutionnaire de l'élimination des déchets que sont les chèvres elles-mêmes, mangeant du plastique, du cuir, des tissus ou des pneus...

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Pour moi, ces lieux ont quelque chose dans l'air, quelque chose de spécial, d'enivrant, tout semble différent et vous prédispose à vous attendrir et même à perdre la tête pour des amours aussi fortes qu'impossibles. Comme un ami s'est récemment plaint que dans mes photos il y a trop de paysages et pas assez de portraits, je vais poster une photo de triplées avec lesquelles je flirtais au marché aux chameaux de Douz. Elles sont blondes, très mignonnes, regardez leurs cils, la façon dont leurs yeux tombent... !

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Cette paire du bas m'a aussi beaucoup attiré, mais pour l'instant, je suis plus attiré par les triplés du haut.

Pour en revenir aux chameaux, je me souviens que pour environ 1000 euros, on pouvait en acheter un bon. Cependant, si votre budget était un peu plus serré, pour un peu moins cher, ils vendaient cet autre chameau. Le propriétaire m'a dit que croyez-moi, monsieur, c'est un chameau coureur, un vrai méhari, et il m'a expliqué qu'il venait de se remettre d'une grippe et que comme il avait mauvaise mine, ils le vendaient moins cher.

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Maintenant que j'ai dit mes conneries et que je suis plus détendu, je vais continuer avec le marché d'Abéché. Je vous disais qu'il y avait quelque chose qui m'attirait particulièrement et c'est pour cela que j'y allais toutes les semaines. J'y rencontrais souvent des petits groupes de Daza qui venaient d'arriver des montagnes du nord. Je me souviens d'être restée devant eux avec un regard suppliant, désireuse de pouvoir les accompagner, alors que je les regardais passer, s'éloigner, se perdre au loin, avalés par la poussière rose de l'harmattan, en route vers les plaines désolées du Tanezrouft, le désert des déserts, ou vers les sables rougeâtres du Karnasai...

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Puis j'ai noyé mon chagrin dans mon bar préféré, L'etoil d'Afrique, presque le seul qui existait. Je me souviens qu'il y en avait un autre tenu par un ancien légionnaire français, mais nous n'y allions pratiquement jamais car sa réputation était plus que douteuse et nous ne manquions rien, bien sûr..., si jamais....

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Je vous disais donc que j'allais au bar pour noyer mon chagrin et continuer à rêver que j'imitais les voyages de Monod et que je retournais aux dunes roulantes d'Amatlich et aux villes saintes de l'Adrar, ou aux sommets noirs du Tibesti, ou encore aux dunes rouges d'Ackhar, et à Iyil et au miroir éblouissant de ses salines, à Amukruz et à ses forêts d'acacias, à Bir Nzaran et Bir Gandús (deux villages de rien dans le rien, qui me disent tant de choses...), aux lagunes colorées d'Ounianga ou à celles d'Ezzemoul, où les hérons et les flamants roses se reposent de leur long périple....), aux lagunes colorées d'Ounianga ou à celles d'Ezzemoul, où hérons et flamants roses se reposent de leur long voyage dans la défaite... ou à tant d'endroits que je refuse de laisser le temps effacer de ma mémoire ou de mes rêves.

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Je m'imaginais avec eux, au crépuscule, après la halte vers l'est pour la dernière prière, l'ichâ, campant dans l'un de ces milliers d'endroits sans nom qu'ils sont les seuls à connaître, à l'abri des vents et dans la chaleur d'un feu fait de restes d'acacia, racontant des histoires anciennes et nouvelles tout en savourant un thé mousseux, sucré au sucre de roche et servi en trois gorgées, vous savez, la première amère comme la vie, la deuxième forte comme l'amour, et la dernière douce comme la mort. Et puis, à l'air libre, nous avons laissé la fatigue nous envahir tandis que le feu s'éteignait lentement....( comme c'est beau, je vois que je suis très féminine aujourd'hui, je vais laisser mon hormone solitaire continuer à écrire pour moi).

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Lors de ces nuits africaines, j'aime mettre un peu de musique africaine sur mon iPhone et j'entre immédiatement dans une situation de transe, un peu comme lorsque je me fais frire, mais toujours en alerte. J'ai généralement Terakaft, Tinariwen ou Tartit..., une musique monotone comme le désert qui l'inspire, mais comme le disait l'exploratrice Camile Douls, avec un charme particulier qui berce les sens et fait rêver l'esprit.

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Pour moi, cette musique et les nuits en plein air m'ont conduit à d'autres. J'étais à Villa (Dakhla) en train de parcourir le Sahara occidental avec mon ami Paco, lorsqu'un ami sahraoui, dont je tairai le nom pour des raisons de sécurité, nous a préparé un feu pour faire un bon récit d'une pauvre gazelle récemment abattue dans les dunes d'El Aargub. Ainss quelle nuit, combien de souvenirs....

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J'imagine qu'à ce stade, mes histoires vous ont fait dresser les cheveux sur la tête et que vous avez une énorme envie de vous échapper MAINTENANT vers le désert, eh bien, c'est facile, rejoignez-nous. Mais peut-être préférez-vous qu'on vous le raconte ou que vous le regardiez après le déjeuner dans les documentaires de la 2, depuis le canapé, pendant que vous traversez placidement la barrière des ronflements. A vous de voir, j'ai déjà fait mon choix...

Désertion
setielena@gmail.com
7 Commentaires
  • teresa
    Publié à l'adresse suivante 20:09h, 29 janvier Répondre

    Ouisssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssss, comme le voyage au Maroc.
    Nous avons passé un excellent moment 🙂 .

    • undiaenlavidadecuchara
      Publié à l'adresse suivante 20:31h, 29 janvier Répondre

      C'est vrai, Tere, il faut le répéter !

  • Jésus
    Publié à l'adresse suivante 21:27h, 29 janvier Répondre

    Vous m'avez fait peur aujourd'hui, qui a écrit le chapitre d'aujourd'hui, ni hormone ni ....
    Carlos, un grand câlin de Herat où il y a aussi des chameaux à l'extérieur de la base.

    • undiaenlavidadecuchara
      Publié à l'adresse suivante 21:49h, 29 janvier Répondre

      Mec, prends soin de toi. Un gros câlin

  • Pilar
    Publié à l'adresse suivante 16:47h, 09 février Répondre

    Je n'ai pas encore fait mes débuts, alors ...

  • YOLANDA
    Publié à l'adresse suivante 16:00h, 12 avril Répondre

    Bonjour Cuchara, j'ai pris beaucoup de plaisir à lire ton blog et ces magnifiques photos avec Fatoumata Diawara en arrière-plan. Il faut convaincre Gonzalo d'organiser un voyage en Afrique pour nous, s'il vous plaît !

    • undiaenlavidadecuchara
      Publié à l'adresse suivante 18:33h, 12 avril Répondre

      Bonjour Yolanda, j'étais sûr que ça te plairait, modestie mise à part, mais ne fais pas comme Sego en me lisant en diagonale. Et puis, avec Fatoumata, tout va mieux. Bienvenue sur le blog.

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