01 Fév Le jardin secret. Première partie

Je me souviens que la première fois que j'ai eu conscience de regarder vers l'infini, c'était en traversant la Mauritanie par les plaines désolées de Tassiat et les dunes d'Achkar. À l'époque, je jouais encore au rebelle, je buvais du whisky Dyc et de la coke, j'écoutais les Lemons et je voyageais avec peu d'argent et beaucoup de culot (pas comme aujourd'hui).

Depuis, je suis obsédé par les déserts et je n'ai jamais cessé de rêver de suivre les routes des explorateurs qui ont tenté de percer le mystère de la ville de Tombouctou. En raison de ma proximité avec la maison, j'ai été dernièrement plus attiré par les aventures de ceux qui ont tenté de s'y rendre par la route de Murzuk, et parmi eux, surtout l'aventure de Gordon Laing, tout en cœur, ou le grand voyage d'Henry Barth à travers le Sahara. Dans leurs lettres et leurs écrits, tous deux affirmaient avoir trouvé dans les profondeurs du désert un jardin secret où coulait la véritable fontaine de la liberté, à laquelle allaient s'abreuver les grandes caravanes qui venaient d'Égypte par Khufra.

Comme au 19ème siècle, l'insécurité dans la région continue de rendre son approche très dangereuse et a fait que ce lieu est resté perdu et inaccessible pendant des années. Et comme on le sait, tous les lieux perdus nourrissent des histoires cachées et excitent l'imagination, surtout celle des esprits les plus volatiles, un peu comme le mien, (si je suis de la chair à canon...).

Et le fait de savoir, depuis toutes ces années, que derrière ces dunes lointaines que je voyais de ma chambre, il y avait ce jardin caché, était une provocation que je ne pouvais pas négliger plus longtemps. En fait, je ne sais toujours pas comment j'ai pu le supporter aussi longtemps...

Un jour, j'ai décidé d'arrêter de rêver et de réaliser un de mes rêves. J'ai choisi un groupe de Touaregs parmi les amis d'Ubari, les meilleurs de chaque maison, j'ai rempli les voitures d'armes, de carburant, d'eau et d'un couple d'agneaux adultes, et nous sommes partis dans les dunes. C'est tout ce dont nous avions besoin.

Alors que nous traversions la mer de dunes de l'Ubari, j'ai pensé aux premiers habitants de la région, les Garamantes. Cette civilisation, capable d'arrêter l'avancée des Romains dans le désert, a parcouru ces mêmes dunes il y a des milliers d'années dans des chars tirés par des chevaux. Leur capitale se trouvait à Germa, tout près de l'endroit où nous sommes arrivés ce jour-là, d'où ils contrôlaient les routes des oasis à travers le Sahara. On peut encore voir les ruines de leur puissant empire, bien que s'y rendre soit encore un peu compliqué (je ne serai pas celui qui dira non à une telle aventure).

En chemin, des lieux incroyables sont apparus, connus seulement des Touaregs, tous rejetés par les cartes, n'ayant pas droit à un nom, et que j'ai essayé d'emmagasiner dans ma mémoire avec un selfie. Des dunes de différentes couleurs et tailles, des petits groupes de palmiers ou un petit acacia, avec à peine assez de bois pour le réchauffer, gisant seul dans cette mer de dunes... Tout m'a ému, moi qui suis si tendre avec mon nouveau cœur, mais il y a un endroit où je sais que mon âme s'est échappée et où elle doit encore être, piégée dans ce silence mortel, au pied d'une dune et d'un couple de palmiers...

Après avoir escaladé des dunes, descendu des falaises et dégagé des voitures enlisées dans le sable, l'heure du déjeuner a sonné. Après la prière de salat al asr, et entourés d'un paysage incroyable, nous avons fait un feu et, partageant assiettes et cuillères, nous avons dévoré des pâtes, de l'agneau et les kueskos d'autres personnes. Ainsi, de la meilleure façon que je connaisse de profiter pleinement des choses simples, comme je l'ai appris à l'armée : dans la camaraderie. Dommage pour le vin....

Je laisserai au lendemain le soin de dire si nous avons réussi à trouver le jardin secret et les fontaines de la liberté éternelle, ou bien cela continuera à être l'un des mythes qui abondent dans mes rêves.... mais ce que je voulais aujourd'hui, c'était vous montrer les photos que j'ai prises le long de la route. D'ailleurs, il n'est pas toujours nécessaire d'y arriver, parfois le meilleur est sur le chemin...