25 Avr Mozambique : le village sur les rives du fleuve Limpopo

Après tout ce que j'ai vu en Espagne, j'ai décidé que lorsque cette assignation à résidence sera terminée, je m'échapperai vers le château du non-retour et qu'on ne me reverra plus jamais.

En attendant, j'essaie de passer les jours en me réfugiant entre les aventures passées et à venir, et cette fois-ci, je me suis souvenu d'un autre voyage inédit que j'ai fait avec mes filles en Afrique australe.

Je voulais qu'ils fassent comme moi et découvrent l'Afrique à pied. J'ai donc planifié un itinéraire simple à travers l'Afrique du Sud et le Mozambique, dans le but d'atteindre les plages de Bazaruto, un paradis d'heures de repos pour se remettre de ce long voyage.

En chemin, nous nous arrêtions dans des villages isolés, faisions des safaris dans le Kruger ou naviguions à côté des baleines sur les plages de Xai Xai.

Tant pis pour les plans, comme le disait Alberto Moravia : planifier en Afrique n'est rien d'autre que fantasmer. Car il y a des jours où il est très clair que les étoiles de l'Univers décident de s'aligner et acceptent de compliquer certains de nos plans.

Cet été-là, au Mozambique, les étoiles se sont alignées et la "tempête parfaite" s'est déclenchée.

Le dernier jour en Afrique du Sud, profitant du fait que nous avions beaucoup de temps, j'ai décidé de faire un dernier safari dans le Kruger. Là, nous avons vu un lion se débarrasser d'un rhinocéros, oui nous l'avons vu, oui, et une meute de hyènes autour de lui attendant leur part du butin. La journée ne pouvait pas mieux commencer (même si le rhinocéros ne le pensait pas).

C'était à l'entrée du Mozambique. Je ne sais pas si c'est la faute de cette piste qui avait l'air bien meilleure sur la carte ou peut-être celle de cet hôtel que j'avais réservé par Booking et qui, à mon arrivée, n'était ni ouvert ni attendu... Ou un peu de tout cela, le fait est que cette aventure programmée s'est terminée pour nous dans le noir de la nuit avec deux pneus crevés sur une route boueuse qui traversait un village qui semblait n'être habité que par des spectres. Et cette nuit-là, sur les rives du fleuve Limpopo, dans un village isolé au milieu d'une jungle sauvage, une autre aventure a commencé pour nous, très différente, mais tout aussi bonne.

Comme la chance protège les audacieux, nous avons eu la chance de crever le deuxième pneu devant la destination finale de ces spectres de la route : le seul bar de toute la piste. Devant ce signe divin évident, nous avons décidé d'entrer. Et aussi difficile que cela puisse paraître, là, enveloppés par une musique tonitruante, entourés de quelques clients trop imbibés et savourant une bière chaude, nous avons trouvé l'aide, la paix et la tranquillité dont nous avions besoin, d'autant plus qu'Armando est apparu (je l'ai même tiré du lit), déguisé en ange gardien, pour nous offrir abri, refuge et amitié.

Rudyard Kipling a décrit le grand fleuve Limpopo comme "gris, gras, tout entouré d'arbres à fièvre, où habite le python bicolore", mais nous avons découvert, main dans la main avec Armando, l'endroit idéal pour y séjourner. Et dans l'école primaire de ce village, au milieu des rires et des chants, et sous le regard de centaines d'yeux aussi noirs que la nuit la plus noire, mes filles ont reçu une leçon inoubliable.

Nous avons fait des safaris incroyables, nous avons navigué à côté des baleines, nous nous sommes baignés dans des plages paradisiaques, nous avons flâné dans les marchés locaux, nous avons mangé de tout, nous avons ri, nous nous sommes battus, bref, nous avons vécu l'aventure... mais Carlota et Jimena ne se souviennent que du pétrin dans lequel leur père les a entraînés et de ce village perdu sur les rives du Limpopo...